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L’architecture et l’urbanisme bousculés par l’essor économique (XIXe – XXe s.)

Le développement vertigineux de Saint-Etienne au XIXe siècle est révélateur d’une explosion démographique et économique derrière laquelle édiles et entrepreneurs devront courir pendant plus d’un siècle.

Une urbanisation accélérée

Au tout début du XIXe siècle, cette évolution symbolise bien la naissance d’une nouvelle civilisation, d’un nouveau système économique. L’élan économique dépassa toutes les prévisions : architecture et urbanisme doivent se conformer aux mouvements de l’économie et de la société. On construit les premiers immeubles bourgeois modernes au centre-ville puis au sud. Les maisons doivent s’adapter à l’activité (par exemple, les maisons de passementiers devant recevoir les métiers Jacquard). Saint-Etienne se dote de bâtiments publics ou les renouvelle : hôtel-de-ville, palais de justice, caserne de gendarmerie, maison d’arrêt, bourse, condition des soies, églises. Néanmoins, une architecture peu ambitieuse, souvent improvisée, déçoit.

L’influence de la rubanerie

La rubanerie a été essentielle dans la constitution du tissu urbain du centre-ville au XIXe siècle. Deux types d’habitats caractéristiques du paysage urbain stéphanois – les immeubles bourgeois à cour et les maisons de passementiers – se mettent en place au moment de la Restauration. Contiguïté et répétition d’unités semblables modulées en « travées » constituent les données essentielles de ces deux types architecturaux stéphanois. Elles garantissent l’occupation méthodique des parcelles et la régularité tant de l’urbanisme que de l’architecture.

La ville nouvelle : division du travail et ségrégation spatiale

L’îlot né du plan de 1792 rejetait en périphérie les industries lourdes, les ateliers et l’habitat populaire, les immeubles construits « à l’alignement » étant réservés à l’habitation des familles aisées (commerces au rez-de-chaussée), bordés par un trottoir, chose nouvelle à Saint-Etienne. Persiste aussi l’absence d’un habitat ouvrier spécifique, car à la périphérie (notamment à Outre-Furan), les trames viaires ou parcellaires ne se modifiaient qu’au gré des initiatives individuelles.

Suivant le nouveau plan axé Nord-Sud, Saint-Etienne se développe au rythme de ses activités industrielles. Chaque métier, chaque profession investit des territoires bien délimités géographiquement :

– la métallurgie lourde dans les fonds de vallée, sur le bord des rivières (le Marais, Tréfilerie, Valbenoîte,…).

– les fabricants-rubaniers investissent le nouveau centre ville avec un type d’immeuble très particulier : immeuble de rapport à cour (Marengo, Jacquard, rue de la République,…). Les rubaniers, qui installent leurs recettes dans les cours, jouent un rôle prépondérant dans la promotion de ces immeubles. La puissance de la Fabrique est symbolisée par l’immeuble Colcombet, face à l’Hôtel-de-Ville et par l’audacieuse cheminée de l’usine du même nom qui se dresse plus près encore du siège des édiles (souvent rubaniers eux-mêmes).

– les passementiers s’installent dans la seconde moitié du XIXe siècle sur les collines, près de la lumière et loin des fumées d’usines (Saint-Roch, Beaubrun, Vivaraize,…)

– les armuriers restent dans le quartier Saint-Jacques et « glissent » lentement vers le sud (quartier Saint-Roch) dans de petits ateliers dans les cours, puis dans de grandes usines (cours Fauriel).

– les mineurs s’installent à proximité immédiate des très nombreux puits, sur tout le pourtour de la ville dans une zone qui à l’époque est encore en pleine campagne, constituant ainsi de petits hameaux qui seront autant de quartiers de Saint-Etienne au siècle suivant (Le Soleil, la Jomayère, Chavassieux,…).

 

Ainsi se développe un centre bourgeois à l’échelle d’une ville qui approche les 50.000 habitants dans ses étroites limites municipales et constitue déjà, avec les communes voisines, une agglomération de 66.000 habitants. Sur les communes de Montaud, Outre-Furan et Valbenoîte, prolifèrent les quartiers ouvriers grâce au développement de la passementerie, de la métallurgie et de l’exploitation minière.

Des opérations ambitieuses menées avec hésitation

A partir de 1855 débutent presque en même temps quatre opérations qui permettaient la modernisation de Saint-Etienne : l’annexion communale, l’émergence de nouvelles formes urbaines, la construction de nouveaux bâtiments institutionnels, la restructuration des quartiers anciens.

La période 1840-1910 verra l’installation définitive de l’axe Nord-Sud. Période d’émergence de la ville moderne, définitivement atteinte par les effets de la Révolution industrielle. L’essor industriel va se poursuivre jusque vers 1860.

Néanmoins, vers 1850, Saint-Etienne se trouve dépourvue d’un projet de tracé urbain. Tandis qu’on reconnaît (tardivement) l’importance politique de Saint-Etienne, on annexe les communes suburbaines. On décide de « régénérer » les quartiers St-André et des Gaux et de valoriser le flanc est de la colline Sainte-Barbe. Mais ces projets ambitieux seront partiellement abandonnés.

En rupture avec le plan en damier inauguré par Dal Gabio, de nouvelles formes urbaines apparaissent (voies amples et courbes) : boulevard Jules-Janin, cours Fauriel d’une longueur de 2 km, cours des Ursules (Victor Hugo), cours de l’Hôpital (Bd Pasteur). On aménage des jardins publics et on construit des équipements publics (palais des Arts, théâtre, prisons, églises et casernes).

La période 1880-1910 est celle de la relance de l’activité économique. Le site de la vallée du Furan est saturé. On rejette alors vers la périphérie les nouveaux équipements encombrants ou trop spécialisés (abattoirs, caserne vers la Terrasse, prison vers Bellevue, puis le nouvel hôpital, grandes industries vers le Marais, Manufrance sur le Cours Fauriel). Ce mouvement est suivi d’une urbanisation incontrôlée (pavillons, lotissements) sur Montaud, Villeboeuf, la Vivaraize.

Développement du centre bourgeois

Sous l’impulsion de l’architecte Lamaizière, sont créés de nouveaux établissements : Lycée Fauriel (1890), Hôpital Bellevue (1900), Préfecture (1894), Bourse du Travail, (1902), Condition des Soies (1908). Un nouveau projet de régénération du centre-ville se traduit notamment par le tracé de l’avenue du Président Faure (av. de la Libération).

Mais la construction d’immeubles bourgeois reste privilégiée. Ainsi, en 1872, on a 36.000 logements pour 100.000 habitants ; en 1906, 44.000 logements pour 147.000 h. En 1911, 34 % des logements sont surpeuplés (1er rang en France).

Entre 1910 et 1953, de nombreux projets d’urbanisme verront le jour, pour la plupart abandonnés. On s’engage néanmoins dans la construction de cités ouvrières à Chavassieux (1910) et à La Terrasse.

En 1921, la loi de 1893 sur les Habitations à Bon Marché (HBM) permet de construire 1000 logements au Soleil, à Monthieu, La Richelandière, Tardy, Valbenoîte et à Solaure.

Depuis les années trente, le souci majeur est de démolir les îlots insalubres (Roannel), tandis qu’apparaissent des immeubles modernes, appartements en copropriété dont les spectaculaires « maisons sans escaliers ».

Table rase ?

La reconstruction de l’après-guerre permettra d’entamer enfin une grande politique d’aménagement où pourraient s’exprimer véritablement les « urbanistes » : en 20 ans, plus de 30.000 personnes se regrouperont dans les quartiers de Beaulieu et du Rond-Point.

Dans ce contexte, grandit le mépris pour les immeubles anciens et le refus d’intégrer les nouvelles constructions dans les îlots hérités de l’histoire. Le patrimoine évoque alors les taudis que l’on voudrait surtout faire disparaître. L’urbanisme fonctionnaliste va triompher dans une période de reconversion économique et de croissance démographique. En 1961, on envisagea la destruction de tous les vieux quartiers à l’est de la Grand’rue, de la place du Peuple jusqu’à La Rivière (projet de Dufau).

Le projet fut abandonné, sauf dans le quartier de la prison où l’on mènera une rénovation-bulldozer (Centre-Deux) équivalent de la Part-Dieu à Lyon et application du modèle CBD (Central Business District).

Dans les années soixante-dix, la crise économique est ressentie à court terme par le ralentissement voire l’arrêt des opérations d’urbanisme. Une importante mutation sociale (vieillissement et baisse de la population, hausse des logements vacants – 10 % des 80 000 résidences principales) laisse la priorité à la gestion de l’espace déjà urbanisé. La politique de développement vers le Nord déplace alors de nombreuses industries vers la plaine du Forez (Andrézieux-Bouthéon) et coupe un peu plus la ville de l’axe rhodanien et du grand axe d’échanges européen.

 

[cite]

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