La rubanerie est l’une des activités traditionnelles ayant dominé l’histoire industrielle de Saint-Etienne. Ainsi, la prospérité économique de la ville se situait à la crête de l’art et de l’industrie.
On favorisa la création d’une école des Beaux-Arts avant tout pour former graveurs et dessinateurs sur rubans.
De nombreuses dynasties familiales d’armuriers et de rubaniers se sont transmises leur savoir-faire et l’ont enrichi, parfois pendant plus de cinq siècles. Dans la rubanerie, les noms les plus familiers sont Bador, Colcombet, Giron, Neyret, Staron….
Il peut sembler paradoxal de voir apparaître dans une ville décrite comme sale et malodorante une industrie de luxe : le ruban, destiné aux classes les plus aisées, dont l’art atteignit son apogée à Saint-Etienne à la fin du XIXe siècle avec des dessinateurs tels que Charles Rebour. Jamais art et industrie n’ont été si proches.
La Fabrique stéphanoise prend progressivement son indépendance
Là encore, dès le XVIe siècle, la motricité du Furan fut l’un des facteurs de développement de la rubanerie, dans la mouvance des soieries lyonnaises. Malgré les vicissitudes de la mode, les XVIIe et XVIIIe siècles furent des siècles de croissance. L’indépendance de la Fabrique stéphanoise s’imposa progressivement. Celle-ci s’est étendue jusqu’au Velay, employant 15.000 métiers et 30.000 artisans.
L’apparition du métier « à la Zurichoise » dans les années 1780, qui permettait de tisser simultanément jusqu’à 24 pièces, permit à la Fabrique stéphanoise de s’imposer sur les marchés français et internationaux. Après la crise de la Révolution et de l’Empire, le ruban, bénéficiant des progrès apportés par les métiers Jacquard, connut un essor prodigieux. La production, tournée vers la mode, était très variée : rubans façonnés, unis, noir ou en couleur. Plusieurs centaines de coloris différents étaient disponibles. Des multiples techniques de tissage (taffetas, sergé, satin) dérivent des produits aux noms précieux : royale, simuline, louisine, crêpe de chine, faille, ottoman, satinette…
Images tissées
Rubans soie, Marcoux et Chateauneuf – Bayle, milieu XIXe s.
Affirmation du poids politique de la Fabrique
Les Fabricants (« maîtres faisant fabriquer ») étaient concentrés au centre-ville. La première Condition des Soies était installée place du Peuple. Ils imposèrent leur prépondérance politique et déterminèrent l’évolution de l’architecture du centre-ville. Les passementiers, soumis à leurs exigences, tentèrent d’imposer un Tarif. Ce furent ainsi les ouvriers parmi les mieux payés. La crise de 1850-1871 aboutit à une concentration industrielle d’où émergèrent notamment les maisons Colcombet et Giron. Le travail à domicile ne disparut pas pour autant. On comptait alors dans la sphère d’influence de la Fabrique jusqu’à 70.000 ouvriers et artisans. Confrontés à une situation économique en dent de scie et à l’électrification des métiers, les passementiers s’organisèrent bientôt en syndicats professionnels, chrétiens ou révolutionnaires.
Ruban tissé édité à l’occasion de la visite
à Saint-Etienne du Président Félix Faure (1898)
Ruban soie – Staron et Meyer
Un système à la recherche de sa reconversion
La rubanerie, figée dans son corporatisme, se chercha longtemps une place dans le XXe siècle. Dans l’Entre-deux-guerres, les nouvelles générations abandonnèrent l’atelier pour l’usine de tissage. Leur statut risquait de les exclure des nouveaux droits sociaux réservés aux salariés. Le système de la Fabrique déclinait.
Après la Seconde guerre mondiale, la rubanerie stéphanoise, plus ouverte et appuyée par l’Etat, s’orienta vers la fabrication d’étoffes, d’articles de mode bon marché ou de mercerie. Ce qui n’enraya pas un déclin symbolisé par une main d’oeuvre vieillissante.
« Le ruban » traditionnel, issu de la Fabrique, a bien disparu, tout comme les emplois qui y étaient associés. Mais la production en usine se poursuit par branches spécialisées : mode, confection, décoration, étiquettes, mercerie, sangles, écharpes, rubans techniques et tissus.
En-tête : rubans tissés à Saint-Etienne – soie, maison Klippel et Courbon, XIXe s.
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