La région de Saint-Etienne doit son rattachement à la région Rhône-Alpes, ensemble économique, à son passé de grande ville industrielle. Elle est historiquement liée à l’ensemble Lyonnais, Forez, Beaujolais, qui ne faisait qu’une entité administrative jusqu’à la Révolution. Mais elle n’en reste pas moins fortement enclavée et enfermée dans ses contradictions.
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Saint-Etienne peut-elle échapper à la centralisation régionale ?
Ville de semi-montagne posée sur les contreforts du Massif central, Saint-Etienne a aspiré tantôt à un rapprochement – parfois contraint – avec sa voisine lyonnaise, tantôt à une indépendance. Celle-ci l’aurait portée à se tourner vers le Nord, vers Paris ou vers l’Auvergne.
Ainsi, le bassin stéphanois appartient au Massif central tout en constituant, à plus vaste échelle, une transition Nord-Sud.
On peut trouver là l’ambiguïté de la position stéphanoise, notamment par rapport à Lyon : identité avec le Nord mais liens économiques obligés. Au Moyen Âge, Saint-Etienne est déjà l’objet d’une querelle lors du partage des terres entre le Comte de Forez et l’archevêque de Lyon. Au XVIe s., Saint-Etienne se place très volontairement sous la bannière royale.
En 1926, le Bulletin de la Chambre de commerce de Saint-Etienne écrit : « Nous reprochons à Lyon ce que Lyon reproche à Paris et demandons la décentralisation même en Province ».
Mais la situation est devenue plus complexe à partir de la révolution industrielle. Il existe en effet une véritable « région économique ». C’est ce que montre l’existence de filières complètes de production, des matières premières au produit fini prêt à la consommation. De nos jours, la filière aciers spéciaux-machines outil-électronique-robotique en constitue l’un des cas les plus frappant. C’est la profonde mutation de la métallurgie stéphanoise qui a servi de point de départ au développement du capitalisme en Rhône-Alpes sous la forme de la « grande industrie ».
Rudesse et discrétion
A l’image de la légende des « métallurges », hommes mystérieux vivant au fond de la forêt, Saint-Etienne est une ville au climat rude. Elle fut longtemps surnommée « ville noire » du fait de ses activités industrielles, de la pollution visible. L’omniprésence d’une population ouvrière était aussi rebutante pour une bourgeoisie soucieuse de concilier gestion des affaires et plaisirs.
Ainsi, Saint-Etienne est restée largement méconnue. Peu de Français imaginent qu’elle figure parmi les dix premières villes de France. Comme si, inconsciemment, on s’apercevait qu’il n’y avait a priori aucune condition favorable au développement d’une grande ville sur le site de la vallée du Furan.
Le site
A une altitude d’environ 550 mètres, Saint-Etienne s’allonge dans la vallée du Furan, du crêt de Saint-Priest (Nord) aux hauteurs du Guizay (Sud, Parc naturel régional du Pilat).
Elle est enfermée dans une dépression – un dépôt carbonifère : au sud, les contreforts du Pilat (Rochetaillée, le Guizay – aux environs de 1.000 mètres) sont profondément entaillés par les cours d’eau ; le nord est bordé par la butte de Saint-Priest et Montreynaud ; l’ouest est dominé par le plateau de Roche-la-Molière. A l’Est s’élèvent les premiers contreforts des Monts du Lyonnais.
On accède à Saint-Etienne :
– de Lyon par la vallée du Gier (col de Terrenoire à l’Est) ;
– du Puy-en-Velay (route de Toulouse) par la vallée de l’Ondaine (col de la Croix-de-l’Orme à l’Ouest) ;
– de Roanne (route de Paris) et de Clermont-Ferrand par la plaine du Forez (entre les hauteurs de Saint-Priest et de Montaud, par la vallée du Furan au Nord) ;
– de la vallée du Rhône (au Sud), par la route qui traverse le massif du Pilat (vallée en amont du Furan et col de la République).
Saint-Etienne… « Ville d’eau »
Un cours d’eau : le Furan
Le Furan prend sa source à 10 kilomètres en amont de la ville, au Bessat, dans le Massif du Pilat. Sa pente s’atténue dans la traversée du bassin houiller et devient même marécageuse aux pieds de Saint-Priest (le Marais).
De nombreux affluents
Saint-Etienne est située au coeur d’un réseau hydrographique particulièrement riche. Le Massif du Pilat y joue le rôle de véritable château d’eau. Plus de quinze cours d’eau sont recensés sur le territoire communal.
Le Furan et ses nombreux affluents, déblayant les parties tendres, ont formé les collines. Cet ensemble offre un réservoir d’eau et une force motrice à une température excellente pour le travail des aciers.
Entre terre et eau
Si a priori peu de conditions favorables prédisposaient à la naissance d’une grande ville, on doit reconnaître que la force des eaux du Furan a permis le développement dans tout le pays stéphanois de nombreux moulins. Ceux-ci ont alimenté une importante activité métallurgique.
La proximité de la Loire permettait l’exportation du charbon vers le Nord. Le canal Rhône-Loire, projeté au milieu du XVIIIe siècle, aurait fait de Saint-Etienne une « ville d’eau ». Mais paradoxalement, le développement du chemin de fer, premier réseau français, a réorienté cet élan. Le pays stéphanois est ainsi devenue l’une des régions les moins enclavées du pays, ceci en pleine Révolution industrielle. Mais très provisoirement.
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